L'orme
Même si les hybrides disponibles aujourd'hui résistent à la graphiose, de nombreuses affections parasitaires - moins dommageables certes - touchent les jeunes ormes.
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Arbres communs dans les campagnes et les villes françaises, les ormes adultes ont été décimés par une terrible pandémie, la graphiose, qui sévit en Europe depuis les années soixante-dix.
PORTRAIT DE L'ARBRE
Le genre Ulmus regroupe une trentaine d'espèces. Il s'agit généralement d'arbres de grande taille à feuilles caduques dissymétriques à leur base. Usuellement appelé ormeau dans les campagnes, l'orme champêtre (Ulmus minor) originaire du continent européen était très présent dans les boisements et les haies bocagères où il se ressemait facilement. Il était aussi introduit dans les parcs publics ou les mails urbains. Au XVIIe siècle, Sully en fît planter plusieurs milliers le long des routes en prévision des besoins en armes (affuts de canons) et en navires. De vieux sujets survivants sont encore appelés « les ormes de Sully ».
Longévif, l'orme champêtre développe un houppier imposant et de grande hauteur (25 à 30 m). Son bois au coeur rougeâtre très apprécié en menuiserie et en ébénisterie présente des propriétés comparables à celles du chêne. Les loupes apparaissant quelquefois sur leur tronc étaient très recherchées. Cet arbre rural était souvent conduit en têtard dans les haies ; son feuillage s'utilisait comme fourrage et son bois pour le chauffage. Morphologiquement très proche, l'orme lisse (Ulmus laevis), encore appelé orme pédonculé ou orme blanc, se différencie par ses samares pédicellées à ailes ciliées. L'architecture de son houppier est moins régulière et ses contreforts racinaires sont souvent très marqués à l'image de certains arbres tropicaux. Naturellement présent dans l'est de la France au sein de forêts ripicoles, mais plus rare dans le Sud-Ouest (vallées de la Garonne et de l'Ariège), il a été très planté au XIXe siècle dans les parcs publics et le long des routes. En raison de sa moindre attractivité pour les scolytes vecteurs de la graphiose de l'orme - et malgré sa grande sensibilité à la maladie - de nombreux vieux arbres persistent aujourd'hui. L'orme des montagnes (Ulmus glabra) aux feuilles porteuses de trois grandes dents à leur sommet se rencontre dans les massifs montagneux. Son cultivar 'Pendula', au port pleureur, est utilisé dans les jardins. Aujourd'hui, de nombreuses espèces issues d'hybridation affichent une résistance confirmée à la graphiose. Ces hybrides développent assez facilement des phénomènes de « chignonage » racinaire en raison de leur croissance rapide ; de jeunes sujets peuvent ainsi subir des strangulations aboutissant à leur dépérissement prématuré ou à leur rupture.
SENSIBILITÉS ENVIRONNEMENTALES
Les ormes sont des espèces héliophiles exigeant un éclairement généreux pour leur développement. Ils supportent l'impact des fortes températures sur l'écorce de leur tronc et souffrent rarement d'échaudure corticale, même dans les jeunes plantations. En matière de sol, ils se montrent peu exigeants ; ils tolèrent une certaine hydromorphie - notamment l'orme lisse - et des sècheresses estivales. Sous l'effet des basses températures hivernales, des fissures longitudinales peuvent apparaître sur les troncs des vieux sujets ; ces « gélivures » forment des nervures proéminentes sur les fûts. Les hybrides résistants plantés aujourd'hui ont hérité, de leurs parents plus ou moins lointains, d'une grande plasticité. Ces essences s'adaptent bien aux contraintes urbaines et supportent les opérations de taille. Ils semblent assez bien accepter la pollution et notamment celle résultant de l'épandage de sels de déneigement.
GRANDES AFFECTIONS PARASITAIRES
La graphiose ne sévit plus que sur les repousses d'ormes européens ou sur les vieux arbres épargnés par les épidémies successives. Récemment plantés, les hybrides résistants doivent affronter de nombreux parasites et ravageurs, mais rares sont ceux qui parviennent à inquiéter ces cultivars vigoureux.
Affections des feuilles
En début de saison, la cloque de l'orme (Taphrina ulmi) provoque sur les feuilles récemment étalées un gaufrage du limbe qui devient vert pâle à blanchâtre. Plus tard, à l'approche de l'été, un oïdium (Uncinula clandestina) développe un fin feutrage blanc sur la face supérieure des feuilles. À la fin de la belle saison, c'est la maladie des croûtes noires (Platychora ulmi) qui se manifeste. Des boursouflures noires de forme sphérique apparaissent sur les feuilles. Ces affections foliaires occasionnées par des mycètes sont peu fréquentes et ne perturbent guère les arbres touchés. Sur les limbes foliaires, les petites gales verdâtres à blanchâtres en forme de perles (1 mm) sont occasionnées par un acarien de la famille des ériophyidés, le phytopte de l'orme (Aculus ulmicola). Certaines années, il peut être assez abondant mais les feuilles infestées sont peu endommagées.
Parmi les larves phyllophages, c'est incontestablement la galéruque de l'orme (Galerucella luteola) qui est la plus assidue et les différents hybrides cultivés paraissent particulièrement vulnérables à cet insecte. Les adultes perforent les feuilles, alors que les larves les décapent. Deux générations se succèdent au cours de la saison de végétation pouvant aboutir à la destruction complète du feuillage sur un sujet adulte. Des défeuillaisons répétées peuvent contribuer à affaiblir les arbres. Actuellement, aucun moyen de lutte alternatif n'est validé pour lutter contre les galéruques mais des essais avec des nématodes parasites semblent prometteurs. De façon locale, des chenilles défoliatrices affectent parfois les ormes : la phalène défeuillante (Erannis defoliara), le bombyx à livrée (Malacosoma neustria)...
Parmi les insectes piqueurs-suceurs, le flatide pruineux (Metcalfa pruinosa) visite fréquemment les sujets de la moitié sud de la France. Il développe au revers des feuilles et sur les jeunes rameaux des amas de filaments blancs cotonneux au sein desquels séjournent les larves. Lors de fortes attaques, les écoulements de miellat abondent. Deux espèces de pucerons se font remarquer : le puceron des feuilles d'ormes (Tetraneura ulmi) responsable de la formation de galles en forme de bourse de couleur verdâtre à rouge et le puceron lanigère de l'orme (Eriosoma ulmi) qui entraîne un enroulement partiel ou total des limbes foliaires et bloque la croissance des pousses. Les cicadellesRibautiana ulmi et Typhlocyba bifasciata provoquent lors d'étés chauds une décoloration ponctiforme jaune des feuilles.
Parasites et ravageurs des branches et du tronc
Sur les rejets de souche d'ormes champêtres ou sur des jeunes sujets issus de semis, la graphiose (Ophiostoma novoulmi) s'observe communément. Même si les arbres parviennent pendant un temps à y échapper - laissant quelques espoirs à leur propriétaire - ils sont visités par les scolytes vecteurs du champignon pathogène dès qu'ils atteignent une certaine hauteur. Ces insectes infectent les arbres lors du creusement de galeries alimentaires au niveau de petits rameaux périphériques. Le champignon se propage rapidement dans les vaisseaux conducteurs entraînant leur obstruction. Les rameaux flétrissent et se dessèchent. À la coupe, un anneau brun est visible dans les vaisseaux conducteurs. Lorsque leurs populations sont très importantes, les scolytes (Scolytus scolytus et S. multistriatus), qui habituellement creusent leurs galeries de ponte dans des arbres affaiblis, peuvent s'attaquer à de jeunes sujets vigoureux. De nombreux trous de sortie se remarquent alors sur les écorces et des galeries caractéristiques se multiplient dans la zone sous-corticale. À la fin du printemps, la cochenille pulvinaire du marronnier (Pulvinaria regalis) dépose ses ovisacs sur les branches et les charpentières lors de la ponte. Quant à la cochenille à bouclier du saule (Chionaspis salicis), elle se loge dans les anfractuosités de l'écorce. De petite taille, elle s'identifie plus difficilement.
Pathologies racinaires
Le pourridié à armillaire occasionné par l'armillaire couleur de miel (Armillaria mellea) se développe souvent sur des arbres placés dans des conditions stationnelles peu favorables. Le champignon peut aussi se comporter en parasite très actif provoquant la mort brutale de l'arbre infecté. Des plaques mycéliennes blanches sous l'écorce des mâts racinaires et du collet signent sa présence.
Champignons lignivores
Sur les vieux ormes, de nombreux champignons lignivores prennent place à la faveur de blessures mettant à nu le bois ancien. Sur leur partie aérienne, les plus coutumiers sont l'amadouvier officinal (Fomes fomentarius), le polypore écailleux (Polyporus squamosus) et le polypore filoselle (Spongipellis spumeus). Sur les mâts racinaires et le collet, le ganoderme européen (Ganoderma adspersum) fréquent sur de nombreux feuillus affectionne également les ormes. Plus spécifiques sont le polypore de l'orme (Rigidoporus ulmarius) et le polypore stratifié (Oxyporus populinus).
Pierre Aversenq
Rameaux flétris d'un orme atteint par la graphiose.
La phalène défeuillante (Erannis defoliara) peut affecter l'orme de façon locale.
Adulte de la galéruque de l'orme.
Le flatide pruineux développe au revers des feuilles des amas de filaments blancs cotonneux au sein desquels séjournent les larves.
Sujets au chignonage, les jeunes ormes hybrides peuvent subir des strangulations aboutissant alors à leur dépérissement prématuré ou à leur rupture. PHOTOS : PIERRE AVERSENQ
La cochenille pulvinaire du marronnier (Pulvinaria regalis) dépose ses ovisacs sur les branches et les charpentières lors de la ponte.
Galeries caractéristiques de scolytes dans la zone sous-corticale.
Nombreux trous de sortie de scolytes.
Anneau brun dans les vaisseaux conducteurs de l'arbre, dû à une attaque de graphiose.
Polypore stratifié (Oxyporus populinus).
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